Maximiser le rendement agricole grâce au phénotypage haut débit et à Artec Space Spider
Notre monde manque de nourriture, et la situation ne fait qu’empirer. La population mondiale ne cesse de croître et devrait dépasser les 9,7 milliards d’individus à l’horizon 2050. Nombre de spécialistes affirment que la production de nourriture doit augmenter de 50 à 98 % d’ici là, rien que pour atteindre un niveau stable de sécurité alimentaire. Et ce chiffre ne tient pas compte des effets imprévisibles du réchauffement climatique, qui s’accélèrent au fur et à mesure que nous nous approchons de la moitié du 21e siècle.
Épi d’ivraie vivace en fleur
Aux quatre coins de la planète, les agriculteurs sont confrontés au défi colossal de produire plus de cultures que jamais sur des terres dont la superficie diminue – et, malgré les sécheresses, les inondations, les parasites et les maladies des plantes, d’obtenir d’une façon ou d’une autre un rendement agricole durable.
Sachant que des centaines de millions de personnes à travers le monde se couchent tous les soirs la faim au ventre, nous sommes encore loin de répondre aux besoins actuels en sécurité alimentaire. Les spécialistes d’ici et d’ailleurs sont unanimes : si nous voulons pouvoir un jour trancher ce nœud gordien, des innovations agricoles sans précédent sont nécessaires.
Une nouvelle technologie aux racines anciennes
Le phénotypage haut débit (PHD) fait partie de ces innovations de pointe qui optimisent le rendement agricole malgré des conditions difficiles. En résumé, le phénotypage est l’acte d’observer et d’analyser des plantes spécifiques, puis de tirer des conclusions et de faire des prédictions à partir des caractéristiques observables d’une plante. C’est en réalité ce que font les fermiers depuis plus de 10 000 ans maintenant.
Prêtre de l’Égypte antique portant du blé, Temple d’Horus, c. 2e siècle av. J.-C.
En parcourant leurs champs, ils sélectionnaient soigneusement les plantes aux traits les plus désirables, dont ils recueillaient les graines pour de futurs semis. Les graines étaient retirées des cultures encore droites, tandis que les graines qui s’étaient déjà séparées des plantes (l’égrenage) et étaient tombées au sol étaient simplement ignorées. Les plantes abîmées par des insectes ou présentant d’autres signes de faiblesse étaient également méprisées.
Répété des milliers de fois au fil des générations, ce procédé a donné lieu à des cultures pour la plupart résistantes et nutritives qui nourrissent aujourd’hui des milliards d’êtres humains. Actuellement, environ 75 % des calories humaines proviennent de seulement 12 cultures principales. Par conséquent, en nous concentrant sur ces plantes, nous avons le plus de chances de répondre aux besoins alimentaires croissants de l’humanité.
En ajoutant le « haut débit » au phénotypage, les choses deviennent vraiment intéressantes. Cette méthode implique de recourir à divers outils et technologies non destructifs pour rapidement augmenter la précision de la collecte et de l’analyse des données des plantes. La technique traditionnelle de phénotypage nécessitait de couper une plante et de l’apporter au laboratoire pour l’analyser. Une fois sur place, les caractéristiques physiques complexes de la plante étaient étudiées assidûment et mesurées avec toute une panoplie de règles et de pieds à coulisse.
Une quête urgente pour résoudre un problème sectoriel
Laborieuse, la prise de mesures manuelles est, depuis plusieurs décennies, la norme dans le secteur. L’avènement des technologies a toutefois donné vie au phénotypage haut débit. Travis Tubbs, major des forces spatiales américaines, fait partie des chercheurs ayant pris conscience de l’énorme potentiel du PHD pour recueillir plus rapidement et avec bien plus de précision les données des plantes sans abîmer celles-ci. Lors de ses recherches sur l’ivraie vivace à l’Université d’État de l’Oregon, Travis Tubbs a compris qu’il devait trouver un moyen d’analyser précisément des centaines de plantes en une fraction du temps nécessaire avec l’ancienne méthode.
Schéma de l’ivraie vivace (Lolium perenne)
Culture herbacée résistant au froid la plus populaire et la mieux adaptée, l’ivraie vivace est utilisée dans de nombreux pays pour nourrir le bétail. Rien que dans l’État de l’Oregon, 160 000 tonnes de graines d’ivraie ont été récoltées en 2019, pour des ventes de graines estimées à plus de 186 millions de dollars. Et pourtant, au moins 20 % de l’ivraie cultivée chaque année dans l’État américain sont irrémédiablement perdus en raison d’un égrenage précoce, lorsque les graines se séparent prématurément de la plante.
L’égrenage est un mécanisme commun à un grand nombre de plantes, et lorsqu’il se produit au bon moment, il permet aux graines de se disperser et de finalement donner naissance à une nouvelle génération de plantes.
Ivraie vivace au Hyslop Crop Science Field Research Laboratory de l’Université d’État de l’Oregon
D’après Travis Tubbs, « pour savoir précisément quelles lignées d’ivraie sont moins sujettes à un égrenage prématuré, vous devez analyser les épillets de centaines de plantes, mesurer à quel point ils retiennent fermement leurs graines, ainsi que leur hauteur et leur longueur. Si vous tentez de le faire via l’ancienne méthode de mesure manuelle, en plus de vous retrouver avec un tas de plantes mortes sur les bras, vous ne serez jamais capable de mesurer précisément autant d’épillets dans le peu de temps dont vous disposez lors de chaque cycle de croissance. »
Le scan 3D entre en scène
Après avoir examiné les capacités de la photogrammétrie et de méthodes similaires d’acquisition rapide des données, Travis Tubbs était sur le point de concevoir son propre scanner 3D pour l’utiliser dans les champs. C’est à ce moment-là qu’il tombe sur le site d’Artec 3D et découvre Artec Space Spider, le scanner 3D portable professionnel préféré des chercheurs depuis plusieurs années. Rapidement, Travis Tubbs contacte son revendeur local et réserve une démonstration en personne.
Artec Space Spider
Richman Siansimbi de Digital Scan 3D, revendeur certifié Or d’Artec, rencontre Travis Tubbs et, ensemble, ils scannent plusieurs spécimens de plantes d’ivraie avec Space Spider. Au cours de ce même après-midi, Travis Tubbs voit non seulement que les scans à la précision submillimétrique de Space Spider lui donneront plus que suffisamment de détails pour ses analyses, mais, avec l’aide de Richman Siansimbi, il teste et met au point un procédé répétable ne nécessitant aucun effort pour scanner les plantes d’ivraie. Travis Tubbs l’utilise aujourd’hui encore.
Il suffit simplement à Travis Tubbs de marcher dans le champ et de trouver la plante avec les épillets qu’il souhaite numériser. Puis, il courbe délicatement le haut de la plante jusqu’au sol et le pose sur un arrière-plan utilisé pour le scan. Au départ, il s’agissait d’une bande de résistance élastique mauve, suffisamment large et souple pour être posée à plat sur le sol et y rester lors du processus de scan, qui prenait moins d’une minute par plante.
Capture d’écran d’Artec Studio 15 montrant le scan d’un épi d’ivraie réalisé par Space Spider
Après plusieurs tests et l’aide en ligne du site d’Artec, Travis Tubbs découvre qu’utiliser un tableau noir et blanc rigide comme arrière-plan facilite le traitement du scan dans le logiciel Artec Studio. Pour les chercheurs qui souhaiteraient une solution encore plus rapide, Travis Tubbs conseille d’utiliser simplement une feuille de journal, qui fonctionnera à merveille, surtout si des poids sont posés sur ses extrémités en cas de vent.
La preuve de la précision exceptionnelle de la technologie
Pour confirmer scientifiquement la précision d’Artec Space Spider, Travis Tubbs a pris une mesure établie (une règle) et l’a photographiée avec un appareil photo Nikon D5000 DSLR. Il a ensuite traité la photographie dans le logiciel ImageJ, en marquant chaque centimètre (cm) de la règle de 20 cm. Il a ensuite répété ce processus sur le modèle scanné.
Haut : scan 3D réalisé par Artec Space Spider avec chaque cm mesuré. Bas : image 2D prise par un Nikon D5000, mesurée avec le logiciel ImageJ
Graphique comparant la précision des mesures de l’image 2D avec la précision d’Artec Space Spider
Travis Tubbs a ensuite tracé un graphique avec les deux mesures pour comparer la précision des deux méthodes d’acquisition. Ce procédé indique que les deux techniques de mesure sont précises pour mesurer des épis d’ivraie vivace avec une fidélité élevée. La mesure de la photographie 2D a une erreur de ±1,72 mm, tandis que celle du scan de Space Spider est de ±0,09 mm. Si la légère différence de précision entre les deux méthodes n’est pas statistiquement significative (valeur-p de 0,92), elle permet cependant de confirmer la précision de l’équipement.
Scanner des épis d’ivraie en 3D dans l’obscurité
Tout au long des deux années qu’a duré le projet, lors des journées de scan, Travis Tubbs se rendait avant l’aube au Hyslop Crop Science Field Research Laboratory de l’Université d’État de l’Oregon, pour scanner les plantes. Après quelques heures, il s’arrêtait jusqu’au soir, où il reprenait sa tâche. La méthode d’acquisition unique d’Artec Space Spider a même permis à Travis Tubbs de travailler toute la nuit, quand la lumière ambiante était réduite au minimum. Au total, Travis Tubbs avait 640 plantes d’ivraie sous sa garde.
Carte Google Maps indiquant l’origine des 40 graines d’ivraie différentes fournies par le Département américain de l’agriculture (USDA)
Ces plantes provenaient de graines recueillies par le Département américain de l’agriculture (USDA) dans 40 endroits différents à travers le monde, de l’Irlande à la Nouvelle-Zélande, en passant par le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas, la Grèce, l’Algérie, les États-Unis et d’autres pays encore. À partir de ces 40 graines originales, Travis Tubbs a cultivé puis sélectionné les quatre les plus représentatives de leur « famille » génétique. Cela a donné lieu à une « répétition » de 160 plantes. Ces 160 plantes ont été clonées quatre fois et plantées aléatoirement dans un vaste champ, pour supprimer les variables environnementales de l’analyse.
Travis Tubbs a scanné une seule réplication, soit ¼ du total de 640 plantes. Cette réplication réduite lui a permis de scanner et d’analyser chaque plante 6 à 8 fois au cours du projet. Ces quelque 800 scans 3D en haute résolution de Space Spider offrent à Travis Tubbs une profusion de données précises et révélatrices sur quelles plantes sont les moins sujettes à l’égrenage et pourquoi.
Capture d’écran d’Artec Studio 15 montrant le scan d’un épi d’ivraie réalisé par Space Spider avec le mode Rayon X
Travis Tubbs résume son processus de scan : « Avant chaque scan, je marquais l’épi, puis une semaine plus tard, je revenais et je numérisais de nouveau le même épi. Après avoir répété ce processus trois ou quatre fois, je pouvais dire avec assurance à quoi chaque épi et tous ses épillets ressemblaient au départ, et à quoi ils ressemblaient ensuite. Du début à la fin, vous pouvez mesurer précisément la croissance organique de chaque structure de chaque épi. »
Et de poursuivre : « La méthode traditionnelle de phénotypage ne vous offre pas ce regard limpide sur le cycle de croissance de la plante. Vous devez détruire celle-ci pour la mesurer. Et une fois que vous faites cela, vous ne pourrez jamais dire comment elle poussera et à quoi elle ressemblera le lendemain, le surlendemain, ou la semaine d’après. »
L’atout de Space Spider pour un phénotypage haut débit précis
Grâce aux scans de Space Spider, Travis Tubbs peut mesurer chaque épillet avec une précision inférieure au millimètre et avoir des mesures précises sur toutes les géométries et surfaces irrégulières présentes. Cela inclut les caractéristiques topographiques complètes des grappes de graines sur chaque épillet, leurs nombreux angles et aspects, ainsi que la zone d’abscission (où la graine se sépare de la plante), tous ces éléments étant cruciaux pour interpréter le phénotype unique de chaque plante.
Épillets d’ivraie vivace
La comparant au volume colossal de données rigoureusement précises acquises avec Space Spider, Travis Tubbs décrit l’ancienne méthode de phénotypage : « Les chercheurs prenaient simplement des spécimens aléatoires de 30 ou 40 plantes. Puis, ils déclaraient que ces spécimens aléatoires offraient une vue d’ensemble, quoiqu’à une échelle réduite. Si vous examinez toutes les publications scientifiques de chercheurs recourant à cette ancienne méthode, vous verrez que c’est exactement ce qu’ils font. »
Pour affiner encore davantage son analyse, Travis Tubbs a exporté les scans 3D dans 3D Slicer, un logiciel libre d’analyse d’image et de visualisation scientifique, où il a commencé à « squelettiser » les modèles en haute résolution des épis d’ivraie. 3D Slicer permet à Travis Tubbs de découper numériquement chaque épi en 3D en plusieurs milliers de tranches circulaires distinctes.
Scan de Space Spider squelettisé d’un épi d’ivraie
Habituellement utilisée pour les rayons X, la tomodensitométrie et l’IRM, cette fonctionnalité procure à Travis Tubbs le matériau brut nécessaire à l’étape suivante de la « squelettisation ». En important ces épis 3D numériquement découpés dans le logiciel ImageJ, Travis Tubbs détermine le centre exact de chaque tranche parmi les milliers constituant chaque épi.
Il relie ensuite le centre de chaque tranche, ligne après ligne, à la tranche suivante, créant ainsi un épi squelettisé contigu. D’après Travis Tubbs, « cela condense la plante jusqu’à son cœur, à l’essence anatomique de sa structure, avec toute sa complexité, et cela donne au chercheur que je suis exactement ce dont j’ai besoin pour étudier des caractéristiques telles que la longueur et l’architecture de l’épi, le nombre d’épillets par épi, la distance entre les épillets le long du rachis, ainsi que l’angle de la fixation de l’épillet sur le rachis, la taille de l’épillet, et d’autres éléments. »
Grains, fruits et légumes supérieurs résistants aux insectes et tolérants à la sécheresse
Une fois les plantes aux traits et résultats dans le champ les plus désirables identifiées, celles-ci peuvent être étudiées génétiquement et utilisées à des fins de dispersion et de croisement avec d’autres plantes. Ainsi, en un nombre de générations minimum, les chercheurs peuvent obtenir non seulement de l’ivraie supérieure, mais également toutes sortes d’autres plantes, du riz au blé et à l’orge en passant par tout un éventail de fruits et légumes. Des plantes qui seront hautement résistantes aux insectes et tolérantes à la sécheresse, et qui nécessiteront une quantité faible, voire nulle, de pesticides.
Travis Tubbs tempère toutefois : « C’est une course sans ligne d’arrivée. Même si nous obtenons des plantes plus robustes, les insectes s’adaptent aussi rapidement, voire plus rapidement, pour vaincre la résistance de la plante. C’est une guerre que se livrent les plantes et les parasites depuis des millions d’années. Nous nous efforçons de faire pencher la balance en faveur des plantes en sélectionnant celles dont les traits aideront les plantes à survivre et à prospérer. Le phénotypage haut débit et Artec Space Spider peuvent nous aider à garder une longueur d’avance sur tous les autres concurrents. »
Comparaison entre les différents aspects du phénotypage haut débit à l’aide de méthodes de collecte numérique
La recherche d’outils efficaces pour y arriver ne fait que s’intensifier. D’après Travis Tubbs, « aujourd’hui, dans l’agriculture, des sommes astronomiques sont investies dans la recherche de solutions efficaces de phénotypage haut débit. Partout, les chercheurs font la course pour savoir comment le faire avec chaque culture existant dans le monde. L’ensemble du secteur agricole est penché sur la question. »
Et de poursuivre : « Pour ma part, je me concentre sur l’ivraie parce que c’est la culture de base là où j’habite. Mais on pourrait tout aussi facilement faire la même chose avec le maïs, le blé ou toute autre céréale ou plante. »
En ce qui concerne la facilité d’emploi intuitive du scanner, Travis Tubbs commente : « La technique dont je me sers pour scanner l’ivraie ou n’importe quelle autre plante n’est pas difficile à apprendre. Il m’arrive d’expliquer comment utiliser Artec Space Spider à des participants de conférences où je suis présent. J’utilise différentes techniques dans le champ, et je suis toujours ravi de les partager avec d’autres chercheurs. »
Réaffirmant sa confiance dans la technologie, Travis Tubbs souligne : « Il ne fait aucun doute que le phénotypage haut débit, ce que j’accomplis avec Artec Space Spider, est l’avenir de l’agriculture. Il permet aux obtenteurs et aux agriculteurs de sélectionner les plantes aux traits les plus désirables suffisamment rapidement pour répondre aux exigences immédiates et futures, qu’il s’agisse de la résistance à des maladies récentes ou de l’adaptation à un environnement changeant. Plus vite nous sommes capables de prendre des décisions sélectives, mieux nous pouvons nous préparer aux besoins futurs. »